L’instinct de prédation est sans doute l’un des plus ancestraux, parmi tous ceux que nos chiens domestiques ont hérité du loup. En étudiant l’histoire des relations entre l’homme et le chien, on voit le rôle paradoxal de cet instinct, à la fois renié et cultive : la base d’une amitié si particulière et si profonde
Chasser est un comportement inné chez le loup, qui se perfectionne et se diversifie par apprentissage de techniques nouvelles. Un louveteau sera fortement attiré par les mouvements d’une proie qui déclenchera des conduites d’orientation, d’approche et d’attaque. L’odeur du sang le fera naturellement tenter de dévorer la proie.
Apprentissage de la prédation
L’inné tient donc une part primordiale dans le comportement de chasse chez les canidés. Mais c’est grâce à l’apprentissage que ces attitudes innées s’améliorent. C’est en observant le « savoir‑faire » des adultes que les louveteaux apprendront à ouvrir une carcasse ou à parfaire leur expérience de prédateur en herbe : attraper la proie, la tuer puis la démembrer efficacement avant de pouvoir la manger.
L’apprentissage s’accomplit à la fois par le jeu et par l’imitation des adultes de la meute. Ceux‑ci font participer les petits, au moins du regard, aux poursuites et au harcèlement du gibier. Ainsi, ils acquièrent de manière directe, par l’observation ou par « essais‑erreurs », ces techniques de prédation essentielles à leur survie et que chaque loup se doit de maîtriser.
Techniques de chasse des loups
Il ne semble pas exister de stratégie préétablie en matière de chasse. On peut tout de même dire que les loups ne sont pas des chasseurs adeptes de l’affût mais de la chasse en groupe. Seul, un loup est en effet bien moins efficace qu’en couple ou, mieux, qu’en meute. Plus les individus sont nombreux, plus ils sont en mesure de s’organiser et de surveiller, observer, repérer tour à tour les animaux les plus vulnérables. Ils encerclent un troupeau et parfois guident l’animal choisi (une bête malade ou plus faible) vers un loup qui l’attend en embuscade. C’est collectivement qu’ils chassent, traquent et viennent à bout d’une proie. Très endurants, ils peuvent engager une poursuite sur plusieurs kilomètres. Ils se relaient alors, tandis que la proie se fatigue, jusqu’à ce qu’un ou deux individus lui mordent les pattes postérieures et la forcent à s’écrouler sur le sol. Une fois tombée, elle ne se relèvera plus, et tous les loups de la meute, dans un ordre respectant la hiérarchie, participeront à la curée.
Prédation et domestication
Selon les ethnologues’ l’instinct prédateur serait à l’origine de la domestication du loup par l’homme. Depuis des siècles, la sélection a joué sur cet instinct. L’homme a mis à profit ce qu’offrait l’instinct à l’état primitif, en le transformant et en l’adaptant aux tâches que devait remplir chaque race de chien créée.
Dans la manière de travailler des chiens de bergers, on retrouve la technique d’encerclement développée par les loups, Le Border Collie par exemple se sert de l’instinct prédateur non plus pour tuer mais pour rassembler, conduire et diriger les troupeaux. Il devient en quelque sorte le gardien de ses anciennes proies! Un paradoxe que l’homme a su maîtriser au cours des âges, pour créer un chien qui soit suffisamment menaçant pour se faire obéir du troupeau mais assez soumis pour ne pas « passer à l’acte » et tuer une bête… Son maître, le berger, doit pouvoir le rappeler à l’ordre et le faire s’arrêter d’un seul coup de sifflet.
En Afrique du Nord, on sélectionnait des Lévriers pour la chasse à la gazelle, et on les utilise encore aujourd’hui pour leurs qualités d’endurance à la course, leur corps profilé et léger. Du loup, on a gardé et sélectionné l’endurance et l’obstination.
Combativité et endurance sont liées à l’instinct prédateur et sont nécessaires aux loups pour aller jusqu’à la mise à mort de la proie. Ce sont ces qualités que l’on a sélectionnées chez des chiens de combat comme le Bulldog ou le Pitbull. Créé spécialement pour combattre des taureaux dans les arènes, le Bulldog attaque de front en se jetant sur le museau du taureau et en y restant accroché.
Différentes techniques
Les chiens de chasse, bien sûr, sont les premiers à « s’inspirer » des loups. On a particulièrement travaillé sur leur instinct de prédation. Les Chiens Courants donnent de la voix pour signaler la présence du gibier à leur maître, comme un loup préviendrait le reste de la meute de la présence de la proie convoitée. Mais l’homme a modifié l’instinct de manière à ce que le chien « respecte le gibier’ .Les Retrievers ( Labrador, Goden, Flat Coated, Curly Coated Chesapeake Bay et Nova Scotia Duck Tolling) doivent le saisir doucement et le rapporter sans le mordre. Les Chiens d’Arrêt marquent l’emplacement du gibier en restant à distance. Dans le cas des chiens de terrier l’instinct prédateur a aussi été modifié, mais différemment : à l’inverse du loup qui mord puis se retire afin d’éviter les coups donnés par la proie, le Terrier les affronte sans peur, avec bravoure et au mépris des blessures, pouvant même aller jusqu’à la mort.
La main de l’homme a donc bel et bien modifié cet instinct fondateur du comportement des canidés sauvages qu’est 1’instinct prédateur. Pourtant, en chacun de nos chiens domestiques sommeille un loup, et l’on peut toujours voir se réveiller le loup qui dort…